Félicitations pour l'obtention de l'accord éthique et réglementaire de la CNIL ! Quelles sont vos premières impressions sur cette étape cruciale et sur la manière dont cela va impulser le projet RaReTiA avec France Cohortes ?
Camille Beluffi-Marin :
C’est une étape majeure pour nous. Nous avons travaillé plus d’un an et demi avec France Cohortes pour atteindre ce stade.
Le projet était dès le départ bien structuré, avec des étapes strictement définies. Nous sommes très fiers d’avoir obtenu l’autorisation de la part de la CNIL pour l’EDS (entrepôt de données de santé), car une telle autorisation est difficile à obtenir.
La nouvelle norme EDS de 2021 a ajouté beaucoup d’exigences, nous avons dû tout passer en revue minutieusement. Chaque exigence relative au traitement de l’information personnelle et sensible a été revue avec France Cohortes afin de nous y conformer strictement, ou de justifier toute non-conformité.
Cela a donné lieu à des échanges entre la délégation à la protection des données de l’Inserm - responsable de traitement du projet, le responsable de la sécurité des systèmes d’information, le département des systèmes d’information, et l’équipe de France Cohortes.
Au niveau de notre EDS FREDD, nous nous sommes rendus compte de la nécessité de parfaitement maîtriser le cycle de vie de la donnée avec une gestion fine des habilitations d’accès à tout moment à l’EDS.
Julie Hubert :
L’obtention de cet accord en mars nous a apporté un surcroît de travail, car il était conditionné au chiffrement des données au repos, qui restait à finaliser.
Nous avons travaillé sur le système d’information de France Cohortes jusqu’à un niveau détail extrêmement fin. Cela nous a permis de mettre en place des procédures et des moyens pour mieux protéger notre SI.
Nous avons pu finalement réunir toutes les pièces exigées et compléter rigoureusement la check-list de la CNIL.
Nous sommes très heureux pour Camille et le projet RaReTiA.
Tout ce travail rigoureux a pour objectif de protéger au maximum les données des participants.
France Cohortes : Pouvez-vous nous rappeler les objectifs du projet RaReTiA ?
Camille Beluffi-Marin :
Lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt de France 2030 « Accélérer la recherche et l’innovation sur les maladies rares grâce aux bases de données scientifiques », et piloté par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), RaReTIA, est un projet dont le pilotage est assuré par le Pr Hélène Dollfus, ophtalmologue et généticienne à Strasbourg.
Il a pour objectif premier la création d’un entrepôt de données de santé pour les patients atteints de rétinopathie pigmentaire (RP), une dystrophie héréditaire de la rétine et une cause majeure de malvoyance, et de débuter leur exploitation, au sein de France Cohortes.
L’ambition est de collecter des données auprès de 2000 patients sur 2 ans, incluant des données génétiques et cliniques ainsi que des images, afin de développer des outils d’aide au diagnostic et à la détection précoce de la RP. Le projet se divise en deux phases :
- phase I, création de l’entrepôt de données de santé (EDS) pour les maladies rares de l’oeil FREDD (pour French rare Eye Disease Database), qui doit être conforme au référentiel EDS. L’environnement informatique de FREDD est sous-traité en partie à France Cohortes.
- Phase II : exploitation de l’entrepôt. Durant la phase II, deux projets de recherche vont réutiliser les données de FREDD pour alimenter des algorithmes d’intelligence artificielle (Source).
Quels principaux défis anticipez vous maintenant que vous avez franchi cette étape importante ?
Camille Beluffi-Marin :
Le financement reste un défi majeur. Nous avons besoin de fonds pour faire vivre l’entrepôt au-delà du projet RaReTiA et de l’élargir à d’autres centres de saisie.
Nous cherchons également obtenir maintenant l’autorisation de la part de la CNIL pour le chaînage des données avec le numéro de sécurité sociale (NIR) et l’appariement au système national des données de santé (SNDS), afin de construire des projets épidémiologiques essentiels pour améliorer le parcours de soin des patients atteints de maladies rares de l’œil.
Un autre axe de travail envisagé est de permettre des projets de recherche utilisant des données synthétiques générées à partir de celles de FREDD, garantissant une sécurité optimale aux données des patients.
Au niveau européen, le chaînage des données avec d’autres bases européennes reste un sujet complexe mais que nous gardons en tête en assurant l’interopérabilité de FREDD avec l’intégration notamment du jeu de données du Joint Research Center.
Julie Hubert :
Le projet est entré dans sa phase de production.
Le PNMR4 [ndlr : 4e plan national sur les maladies rares] inclut en effet un gros volet data, qui nécessite une bonne organisation et une documentation robuste des données.
Le projet exige donc une interopérabilité maximale lors de la saisie des informations et pour l’utilisation des données, ce qui constitue un gros challenge.
Quels soutiens recevez-vous pour l’accomplissement de ce projet ? Le rôle de la filière SENSGENE dans l’avancement du projet RaReTiA ?
Camille Beluffi-Marin :
La filière SENSGENE est à l’initiative du projet : c’est elle qui a répondu à l’appel à projet avec pour but premier la création de cet entrepôt.
En effet, la filière a identifié très tôt l’intérêt de se munir d’un tel outil pour faire avancer la recherche sur les maladies rares de l’œil. En conséquence, SENSGENE et les centres maladies rares qui intègrent la filière sont les premiers acteurs dans la vie de FREDD, pour son pilotage et l'identification des projets de recherche cohérents et pertinents.
Des membres de SENSGENE font partie de l’équipe opérationnelle FREDD et nous bénéficions aussi des compétences de leur cellule communication.
Comment le projet a-t-il été pris en main par France Cohortes ?
Julie Hubert :
Mon rôle de cheffe de projet AMI maladies rares a consisté à faire le lien entre les besoins de RaReTiA et les expertises de France Cohortes.
J’ai effectué un important travail de pédagogie de part et d’autre. Le système d’information de France Cohortes étant complexe, il fallait, pour s’assurer de la bonne adéquation des services avec les besoins, l’expliquer le plus simplement possible.
Par ailleurs, j’ai sollicité les bonnes personnes au bon moment, le plus en amont du projet. Ainsi, une relecture fine de l’analyse d’impact à la protection des données (AIPD) de RaReTiA par les experts de notre équipe a favorisé une bonne compréhension du projet par la CNIL.
Pouvez-vous nous parler des stratégies de communication et d'engagement des parties prenantes que vous prévoyez de mettre en œuvre pour sensibiliser les patients atteints de rétinopathie pigmentaire à la collecte de données ?
Camille Beluffi-Marin :
L’EDS fonctionne sur la base légale de la non-opposition du patient au recueil de ses données.
Nous prévoyons de communiquer via le site FREDD, des affiches et des flyers dans les centres, et par la filière de santé maladies rares des maladies sensorielles SENSGENE.
D’ailleurs, les médecins de la filière doivent savoir que FREDD existe et que d’autres projets peuvent être lancés pour le bénéfice des patients.
Une communication dynamique et une sensibilisation continue seront essentielles pour garantir un taux d’inclusion régulier et l’implication de nouveaux centres.
Quels sont vos espoirs et vos attentes pour les bénéfices que cela pourrait apporter à la communauté médicale et aux patients eux-mêmes ?
Camille Beluffi-Marin :
Les maladies rares nécessitent une collecte de données efficace et leur partage avec d’autres chercheurs pour faire avancer la recherche.
Nous espérons que le projet RaReTiA, projet pilote de l’EDS FREDD, aidera à améliorer la recherche et les soins pour les patients atteints de rétinopathies pigmentaires.
Il est essentiel que la recherche bénéficie directement aux patients qui nous confient leurs données, tout en protégeant la confidentialité de ces informations, en toute souveraineté.
Julie Hubert :
Nous remercions le projet RaRetiA, qui a permis à France Cohortes de faire progresser son système d’information.
RaReTiA est un projet moteur, qui a bien su cerner les enjeux et structurer son organisation dès le début.
Grâce à Camille et son équipe, nous sommes mieux armés pour répondre aux besoins des autres projets, au bénéfice de la recherche en santé, et finalement, des patients.
Crédit photo : Ksenia Chernaya, Pexels.